Trois souvenirs de ma jeunesse

Retour aux sources

Montré à la Quinzaine des Réalisateurs, Trois souvenirs de ma jeunesse se présente comme un prequel de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle). Mais le nouveau film d’Arnaud Desplechin cache une véritable carte de l’univers du cinéaste.

Trois souvenirs de ma jeunesse est à retrouver sur CINE+ A LA DEMANDE.

On pouvait légitimement se demander ce que ferait Arnaud Desplechin après Un conte de Noël, qui semblait marquer le pic d’une recherche, tant esthétique que narrative. On l’a vu, le cinéaste a cherché une porte de sortie géographique, avec le beau Jimmy P., et une échappatoire stylistique avec sa brillante adaptation de La Forêt, d’Alexandre Ostrovski, pour la télévision.

Mais peut-être fallait-il tout simplement un retour aux sources pour le réalisateur de La Vie des morts. Et c’est ainsi que se présente en apparences Trois souvenirs de ma jeunesse, qui revient sur les tendres années de Paul et d’Esther, héros de son second film. Mais, pour ce faire, Desplechin emprunte un bien étrange chemin, qui lui fait non seulement revenir aux origines de ses personnages, mais nous plonge tout simplement aux sources de son cinéma.

On ne glosera pas ici sur la part d’autobiographie que peut contenir le film, tant celle-ci convoque en fait (consciemment ou pas) tout le cinéma de son auteur. L’interrogatoire de Paul à la douane débutant le film, qui va enclencher les souvenirs du protagoniste, rappelle les prémices de La Sentinelle, tandis que les souvenirs familiaux du jeune homme font écho à ceux de certains personnages d’Un conte de Noël. Au sein d’une brillante distribution de jeunes comédiens, les apparitions d’acteurs familiers du cinéaste accentuent encore ce sentiment.

Cette vertigineuse impression de se promener à la fois dans l’œuvre et dans le cerveau d’un réalisateur est décuplée par la véritable révélation que forme le couple vedette. Magie du casting et de la musicalité propre aux dialogues inimitables de Desplechin : Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet sont, dès leur première apparition, Paul et Esther. Cette évidence, qui ne doit rien à un quelconque travail de mimétisme hollywoodien, est peut-être la performance la plus troublante de cette œuvre à la fois intime et romanesque.

Ils sont le cœur battant d’une œuvre imprévisible et virtuose, où les scènes de boums, propres aux teenage movies, croisent une fascinante intrigue d’espionnage. Une œuvre qui confirme la place de tout premier plan qu’Arnaud Desplechin occupe dans le cinéma français.