Philomena

L’histoire vraie devient un genre en soi au cinéma. Adapté du livre du journaliste Martin SixSmith qui a mené l’enquête avec Philomena Lee, il raconte la quête de cette vieille Irlandaise pour retrouver l’enfant qui, à l’âge de trois ans, lui a été arraché par les sœurs du couvent de Roscrea, afin d’être adopté. Tout cela sentait sa prise d’otage sentimentale. Le résultat est formidable. Tant du point de vue du scénario – coécrit par Steve Coogan, coproducteur et interprète de Martin – que de celui de la mise en scène de Stephen Frears qui confère au film son mélange bienvenu de tragédie et de comédie. Il y a d’abord la rencontre entre deux mondes, celui affectif et intuitif de Philomena, infirmière à la retraite, avec celui, intellectuel et quelque peu pédant, de Martin. Leurs échanges sont brillants, profonds, drôles et soulèvent, mine de rien, des questions sociales et humaines essentielles. Et le face-à-face entre Judi Dench, extraordinaire actrice dont on ne dira jamais assez la beauté, la force et l’évidence, et Coogan, ici bien plus fin et ironique que dans certaines comédies un peu chargées, à lui seul vaut le détour. Ensuite, il y a cette histoire terrible qui renvoie au beau film de Peter Mullan, The Magdalene Sisters, tout en se dégageant du particulier pour élargir à l’universel des adolescentes punies pour avoir péché dans leur chair, et de l’intolérable poids de la religion et des convenances. Frears fait sien ce matériau émouvant et passionnant, approche les visages et les âmes, et signe un film humaniste, féroce et tendre. Un film vrai.