Une vie violente

L’Affranchi

Son premier long éclaira la Quinzaine des Réalisateurs 2013. Son second vient de marquer la Semaine de la Critique 2017. Thierry de Peretti a le don d’intensifier les scènes et les destinées individuelles en réaction au collectif. La Corse encore et toujours. Cette fois dans une fresque saisissante.

Impressionnant. Thierry de Peretti maîtrise. Ce comédien et metteur en scène de théâtre, peu vu au cinéma, s’est fait remarquer dans la réalisation en 2013, avec son premier long-métrage Les Apaches. Déjà centré sur la Corse et ses hommes, il suivait des jeunes, la fracture sociale et l’été. Quatre ans plus tard, arrive une fresque saisissante. Évocation plus que reconstitution, selon les propres mots du cinéaste, Une vie violente s’inspire de la vie du jeune militant nationaliste Nicolas Montigny, assassiné à Bastia en 2001. En découle le parcours d’un garçon, Stéphane, entre Île de Beauté et Paris, en pleine montée insulaire de la violence (1997-2001). Avec une mise en scène au cordeau et une sécheresse d’effets, de Peretti suit les pas de ce délinquant en herbe, qui se radicalise politiquement et embarque pour un destin et une mécanique d’honneur et de loyauté.

Après un prologue parisien, l’ouverture happe. Un champ, des ouvriers agricoles. Des voitures et des hommes font irruption, rapides, taiseux et décidés. Déplacements rapides de corps. Tirs à bout portant, mise à feu d’une bagnole. Exécution sommaire filmée en plan-séquence large. Le ton est donné. L’inéluctable a fait son entrée, et déroulera son fil tout au long de l’intrigue, jusqu’à son point d’orgue final. Mais ce qui passionne va avoir lieu pendant une heure quarante-sept. Comment des êtres sont liés comme des maillons par une escalade sourde et inéluctable. Forts toujours, jusque dans la chute. Pour des idées, une communauté, une terre. Sans chercher la véracité et la fidélité impeccables, la forme fuit le discours, mais capte l’action motivée par des choix humains. Avec un réalisme confondant, dû à l’alliance d’interprètes aguerris et d’apprentis acteurs.

Jean Michelangeli remporte haut la main le pari de porter un récit en tant qu’inconnu, évitant l’esbroufe et s’appuyant sur une incarnation physique. Il personnifie l’idéal de la jeunesse et du combat. Autour de lui, une troupe qui marque par sa crédibilité immédiate, et par la cohésion du groupe dans son interprétation de meute, jusque dans les dissensions. Homme des planches, Peretti a le sens du collectif. Et l’ingénieuse idée de donner leur place aux femmes dans cette fiction très masculine, au moment où on pense ne plus les voir, avec un monologue de la mère du héros, qui révèle la filiation finalement évidente, et une tablée d’amies et rivales, conférant une hauteur supplémentaire à ce grand film tranchant, épique et politique.