The Rider

Vague à l’âme cow-boy

Chloé Zhao fait une seconde fois son effet avec The Rider. L’épopée autobiographique et bouleversante d’un cow-boy indien dédié à sa passion pour le cheval. Un film au charisme incroyable, entre western du 21e siècle et documentaire sur une Amérique invisible.

Récompensé à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise et Grand Prix du Festival de Deauville en 2017, The Rider gagne enfin le grand écran des salles gauloises. Format idéal pour cette épopée intime filmée en scope : le portrait fictionnel mais hautement documentaire d’un cow-boy des temps modernes. La surpuissance des figures campées jadis par John Wayne vole en éclats. Brady a la petite vingtaine, et le corps déjà cabossé par sa riche vie de dresseur de chevaux et d’as du rodéo. Une très mauvaise chute vient de le condamner à ne plus abuser de la chevauchée. Finie la compétition. Mais comment ne pas monter sur selle quand on a l’équidé dans l’ADN ?

The Rider de Chloé Zhao. Copyright Les Films du Losange.

L’ultra douée réalisatrice du premier long-métrage Les Chansons que mes frères m’ont apprises, lancé à Sundance puis déjà à la Quinzaine des Réalisateurs, deux ans plus tôt, revient avec une aventure née concrètement de la première. C’est sur le tournage des Chansons qu’elle a découvert la communauté d’Indiens blancs où elle croisera Brady, qu’elle va vouloir filmer, en protagoniste de sa propre histoire, avec ses proches dans leur propre rôle, pour rejouer leur vie dans un miroir fictionné du réel. Intention passionnante. Alchimie réussie, pour cette cinéaste elle-même déplacée, depuis sa Chine natale, jusqu’à cette Amérique des grands territoires, où elle a dégoté une population également métissée de deux identités : indienne Sioux Lakota Oglala, et citoyenne des États-Unis.

Cow-boy et Indien dans le même homme. Une schizophrénie made in USA. Ou une réconciliation. En tout cas, une invisibilité totale, jusqu’à cette ode à la liberté et au vent qui souffle où il veut. Zhao capte avec son chef opérateur Joshua James Richards la lumière des méconnus dans le cadre somptueux du Dakota du sud. La mère de Brady est morte, le père privilégie ses tâches, la sœur rayonne avec son syndrome d’Asperger. Brady est un grand blessé, qui côtoie des bêtes qui parfois se blessent, et sont condamnées à l’élimination si elles ne sont pas au top des performances. Les lois de la nature lézardent et nourrissent ce récit d’assomption et d’acceptation, désossé de tout gras narratif et formel.

The Rider de Chloé Zhao. Copyright Les Films du Losange.

The Rider est une déclaration politique. Un geste amoureux. Un souffle artistique. Et un condensé de l’imagerie américaine de l’ex-héros tombé à terre, et qui se relève, moins performant qu’avant, mais immensément accrocheur. Et bouleversant. Avec ses airs de Josh Hartnett débutant, Brady Jandreau semble tout droit sorti de la mythologie hollywoodienne du héros taiseux, yeux en amande, chapeau idoine, et télépathie magique avec les équidés sauvages. La cinéaste transcende la réalité qui lui est apparue sous les yeux avec acuité. Sans esbroufe. Sans complaisance. Et avec une infinie tendresse pour cette masculinité mise à mal dans sa virilité. Les hommes et les murs tombent. Et Brady écrase l’Amérique de Donald T.