Nothingwood

Nothingwood, ou l'histoire d'un admirable guignol

Le terme fait référence à Hollywood ou Bollywood. Une sorte d’Ed Wood afghan enchaîne les productions de films d’action fauchés. Et le cinéma, même médiocre, vient supplanter l’idée de survie.

Le documentaire naît de l’initiative de Sonia Kronlund, productrice de France Culture, spécialiste de l’Afghanistan, qu’elle a parcouru en tous sens au fil des années. Dans ces terres dévastées, elle a fait la rencontre d’un forcené, d’un cinéaste amateur devenu idole d’un peuple. Salim Shaheen tourne des dizaines de films d’action. Il les écrit, les met en scène, les interprète. Il fait travailler ses amis, fait parfois danser leurs filles devant la caméra, en dépit d’un carcan moral des plus rigoureux. D’année en année, d’œuvre en œuvre, la silhouette du héros s’épaissit, mais le geste artistique ne progresse pas.

On entre dans Nothingwood avec l’idée de rire de ce cinéaste maladroit, presque ridicule, imbu de son art et de son aura. Mais très vite, le jusqu’au-boutisme séduit et la foi l’emporte. Shaheen traverse des terres minées (au sens propre), avec une insolente conviction. Il fait du cinéma, il crée, en dépit de la guerre et de la mort. Puis il emporte son œuvre aux confins du monde pour la montrer à des bergers ébahis. Et quand il raconte les tournages interrompus par les tirs de roquette, notre rictus moqueur laisse peu à peu place à une forme d’admiration.
Parce que, finalement, la richesse du cinéma de Salim Shaheen ne tient pas à sa forme ou son contenu, mais à son existence propre.