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L’amour de l’amour

Pour son premier film derrière la caméra, Sara Forestier filme des corps et des âmes, avec rage et sensibilité. Et livre une histoire d’amour passionnée…

La jeune actrice révélée par Abdellatif Kechiche dans L’Esquive a prouvé d’un rôle à l’autre, du Nom des gens à Suzanne en passant par Gainsbourg (Vie héroïque), sa présence forte et singulière. Depuis plus de dix ans, elle portait en elle le sujet de M, la rencontre de deux cabossés de la vie et des mots, leur amour improbable et fou. Lila, bégue et timide, en classe de première, se demande bien comment elle va passer son oral de français. Mo, grande baraque, fort en gueule, qui vit d’expédients et se fait peur avec des courses automobiles, croise un jour son chemin. Ce qui naît entre ces deux-là est immédiat et pourtant pas gagné. Car Mo a un secret qu’il cache jalousement : il ne sait pas lire. Entre western et conte cruel, entre naturalisme et fable, le film s’empare des corps de ce géant et de cette frêle créature, les pousse l’un contre l’autre, l’un avec l’autre, dans un ballet aussi beau qu’il semblait improbable. A quelques maladresses près dans une mise en scène un peu chargée de l’entourage (notamment la petite sœur princesse et capricieuse de Lila), on est happé par les trouvailles d’univers, la rage et la sensibilité des situations. Et la puissance de jeu de Redouanne Harjane et l’authentique fragilité adolescente de Sara Forestier qui donne à ce couple et à son histoire, faite de différence, de chagrins et de colère, une énergie folle.