Black Panther

Panthère mouillée

Premier film d’importance consacré à un super-héros noir, Black Panther remplit peut-être sur le papier son contrat historique et sociologique, mais peine à se démarquer du tout venant du divertissement super-héroïque.

Annoncé, à grand renforts de critiques élogieuses outre-Atlantique, comme un événement, Black Panther, premier film consacré au super-héros noir introduit dans Captain America : Civil War, est peut-être un événement sociologique, pourquoi pas politique, mais certainement pas cinématographique. Certes, l’irruption dans le paysage d’un film entier consacré à un super-héros noir et réalisé par un cinéaste afro-américain fait date en soi (pour ne pas être tatillon, on oubliera même le sympathique et parodique Meteor Man, réalisé et interprété par Robert Townsend il y a tout de même 25 ans). De même, l’importance accordée à la scientifique et aux guerrières qui accompagnent le prince T’Challa, marque également une volonté louable de mettre plus en avant des personnages féminins dans univers essentiellement viril. Cette équipe féminine fait d’ailleurs écho à celle qui accompagne Ryan Coogler. En effet, pour imprimer sa patte sur ce film Marvel, le réalisateur de Fruitvale Station a emmené avec lui sa chef décoratrice Hannah Beachler et sa chef opératrice Rachel Morrison. Las, ces deux importantes contributions artistiques se retrouvent noyées dans l’imagerie apposée sur tous les films du Marvel Cinematic Universe. Pour quelques plans d’intérieur décorés et éclairés de façon originale, l’esthétique globale du film rappelle n’importe quel autre opus produit par le célèbre studio. De même, malgré la présence du monteur Michel P. Shawer, collaborateur régulier de Ryan Coogler, les longs plans de combats de Creed sont remplacés par des scènes de bagarre dont le découpage évoque le tout venant des productions de super-héros. Et alors que Ryan Coogler semblait avoir pu insuffler à Creed sa sensibilité, le gigantisme d’une production Marvel semble l’avoir englouti. Pour quelques plans réjouissants (une bagarre en chute libre, une guerrière du Wakanda juchée sur une voiture en pleine course…) la grande majorité du film reste désespérément anonyme. Anonymat qu’il serait injuste d’attribuer au seul Black Panther, puisqu’il caractérise la grande majorité des productions Marvel, proprement manufacturées mais de plus en plus difficilement dissemblables. Un comble si on se repenche quelques instants sur le versant bande-dessiné du studio, où le style d’un dessinateur est roi. Car quoi de plus différent d’un Black Panther félin dessiné par Gene Colan, que son homologue, sous la plume précise d’un John Byrne, sans parler de la première incarnation, puissante, imaginée par son co-créateur, Jack Kirby ? On rêve alors d’un George Miller, d’un Guillermo del Toro ou d’un Sam Raimi invité sur un projet Marvel. Mais ces grands créateurs de formes ont-ils seulement envie d’intégrer la lourde machinerie de celle qui fut longtemps appelée La Maison des Idées ?