Annabelle, la maison du mal

La peur est un jeu d’enfant

En poussant la porte du petit musée des horreurs des exorcistes Warren, Gary Dauberman découvre moins la maison du mal que celle de la poupée Annabelle. La saga se remet à hauteur d’enfance, avec plus de candeur que de peur.

Le réel est comme chez lui : Annabelle est de retour. Dans la maison vraie des Warren, les démonologues exorcistes, chasseurs de fantômes et d’esprits dont les dossiers ont inspiré la saga horrifique Conjuring et sa petite sœur dérivée Annabelle, la poupée maléfique était enfermée dans un meuble tout en transparence. Elle était là, au milieu du petit musée des horreurs des Warren, collectionneurs de tout un tas d’objets bizarres, étranges et inquiétants, trophées de leur combat contre les forces du mal.

Dans cette pièce sombre, encombrée de têtes de morts, la vraie Annabelle mise sous cloche et hors d’état de nuire n’avait l’air de rien. Lorraine Warren la disait d’une dangerosité extrême, mais elle semblait inoffensive. Et même, innocente : une simple poupée de chiffons, aux grands yeux noirs tout ronds. Rien à voir avec la vilaine Chucky, son rictus méchant, sa vilenie affichée sur son visage, dans l’autre saga fameuse mettant en scène une poupée tueuse – le premier slasher dans la série des Chucky, réalisé par Tom Holland, remonte à 1988.

Annabelle, la maison du mal. Warner.

Au moment de la sortie de The Conjuring, en 2013, inspiré par l’histoire des Warren, Warner Bros avait diffusé un petit film (toujours visible sur YouTube), The Real Lorraine Warren, dans lequel la vieille démonologue médiumnique faisait visiter sa maison et la fameuse pièce où était détenue la vraie poupée Annabelle. Le décor de La Maison du mal, troisième volet de la saga réalisé par Gary Doberman, qui en était jusqu’alors le scénariste, était tout trouvé : on est dans la reconstitution, davantage que dans l’imagination, toute ressemblance de la fiction avec le réel n’étant pas fortuite. Puisque l’on est chez les Warren, voici la fille (unique) de la famille, Judy, en personnage central. C’est une gamine d’une dizaine d’années dans le film ; on la découvre faisant la connaissance de celui qui deviendra son mari, Tony Spera, qui à son tour se fera démonologue, avec l’approbation du couple Warren.

En compagnie de Judy, de sa baby-sitter qui vit une bluette ado, et d’une amie en deuil, ayant perdu son père dans un accident de la route, Annabelle 3 dévie de sa pure trajectoire horrifique. Dans la maison des Warren, où le récit tourne autour de ce jeune trio féminin (Ed et Lorraine Warren se sont absentés, Dieu – Diable ? – va savoir pourquoi), le film se donne souvent des airs de teen movie gentillet. Avec fête d’anniversaire, jeu de société et gâteau rose.

L’échappée de la sinistre Annabelle de sa cage de verre réveille bien quelques (mauvais) esprits, mais comme le dit l’une des filles : « Tous les fantômes ne sont pas méchants ». C’est ce que l’on constate aussi à l’écran. Gary Dauberman, plutôt que des jump scares flippants, s’essaie à l’angoisse sourde, toute terreur rentrée. Ce n’est pas que l’atmosphère soit bon enfant, mais rien ne se passe qui fasse vraiment peur, y compris dans les pires moments où Annabelle et les autres méchants décuplent leurs forces. Même le loup-garou monstrueux aux griffes et aux crocs d’ogre ne terrasse personne. Le cauchemar est enfantin : on s’en réveille vite, on l’oubliera.