Leçons d'harmonie

Dans ce collège du fin fond du Kazakhstan, la lutte pour la survie ne fait pas seulement partie de l’enseignement didactique. C’est une affaire de chaque jour. Un chefaillon nommé Bolat maltraite tous les élèves, leur soutire de l’argent qu’il remet ensuite à de plus grands qui, eux-mêmes, le distribuent à des caïds locaux. Dans cet univers gangrené, le jeune Aslan, treize ans, renonce à la fraternité visiblement impossible et au pardon illusoire. Il se dédie entièrement à la vengeance… Chronique d’une adolescence saccagée, ce premier long-métrage qui n’essaie jamais d’être aimable est une claque. Il s’ouvre sur le sacrifice d’un mouton destiné à la nourriture du jeune garçon et de sa grand-mère qui l’élève seule. Cet acte cruel et fondateur s’inscrit dans une réalité de subsistance. Toute la barbarie qui s’ensuit, régentée par la loi du plus fort, n’est que violence inacceptable, insupportable. Insérant ses personnages dans des paysages de neige sale, des salles de classe aux murs gris, ou approchant en gros plans le petit visage fermé du jeune Aslan, perfectionniste et obsessionnel, le réalisateur observe ce monde d’une caméra implacable. Il livre, tout en cadres sublimes, un état des lieux terrifiant et désespérant de son pays et de sa jeunesse. Un précipité de cruauté qui dérange et bouscule. Multiprimé dans les festivals de Sundance, d’Amiens et d’Angers, Leçons d’harmonie marque assurément la naissance d’un auteur-réalisateur exigeant et accompli. A suivre absolument.