El Limpiador

Une mystérieuse épidémie ravage Lima. Les corps s’entassant de plus en plus, des « nettoyeurs » sont chargés de les collecter pour les incinérer. Eusebio s’est habitué à ce travail jusqu’à ce qu’il découvre le jeune fils d’une morte et décide de le prendre sous son aile. Il n’est pas tant question dans ce premier film d’Adrian Saba, jeune réalisateur péruvien, de survivre que de réapprendre à vivre ensemble. A mille lieues des codes du film de contamination instaurés par 28 Jours plus tard ou Resident Evil, El Limpiador préfère la mélancolie à la frénésie. L’apocalypse selon Saba est minimaliste et intime, à mi-chemin entre le cinéma de M. Night Shyamalan (la part de fable sur les rites de passage ou le poids des responsabilités, le regard enfantin sur un monde inquiétant) et celui de Robert Bresson, par sa part contemplative ou sa préservation d’une humanité dans un environnement hostile. Une combinaison pas si improbable, lorsque s’étoffe rapidement la rencontre de deux solitudes, celle d’un orphelin n’ayant pas encore assimilé le concept de la mort et d’un vieil homme ayant oublié celui de la vie. Antispectaculaire mais pourtant dense, incroyablement précis dans sa mise en scène — Saba possède un ahurissant sens inné du rapport à l’espace — ou dans son écriture, El Limpiador transforme son épitaphe de l’espèce humaine en une inattendue et tendre version latino d’un haïku : d’apparence fragile et banal, solidement charpenté et très émouvant en substance.

Par Alex Masson