L'astragale

Astragale. Mot rare et délicat. Invitation à l’escapade. À la désobéissance. Ce n’est pourtant qu’un os du pied. Celui qu’Albertine, dix-neuf ans, se brise en sautant du mur de sa prison, en avril 1957. C’est aussi une moulure en architecture et une plante légumineuse. Mais revenons à nos oignons. Ce récit autobiographique libertaire, tiré du roman d’Albertine Sarrazin et publié en 1965, a fait sensation à l’époque, avant d’être adapté au cinéma par Guy Casaril avec Marlène Jobert. Cinquante ans après sa parution, Brigitte Sy en fait son second long-métrage comme réalisatrice. Elle opte pour un noir et blanc net et subtil, mené de main experte par le chef-op’ Frédéric Serve. Il met en lumière l’aplomb et les tremblements de cette jeune femme à la force de vie détonante et à l’esprit libre comme l’air, en contraste total avec la France conservatrice des années cinquante. La cinéaste capte aussi l’attirance chimique entre les êtres. C’était déjà la force d’amour transgressive qui tenait Les Mains libres. Elle réussit à mettre en scène l’insolence de la jeunesse et du désir plus fort que tout. Avec son regard lui aussi amoureux sur ses acteurs, elle offre à Leïla Bekhti son plus beau rôle. Celui de l’accès à la maturité et à l’abandon. Reda Kateb, lumineux, apporte sa douceur et sa masculinité au voyou qui met son cœur sur la table. L’aventure est intense et fine. Comme le fil de la vie qui peut rompre à tout moment, et qui emporta la vraie Albertine à vingt-neuf ans.