Lapins de cinéma #5

Le Coup du lapin (au cinéma) - Bambi / Meet the Feebles

C’est un symbole païen de fécondité, qui matérialise, en nous attendrissant, le renouveau, la renaissance que représente la période de Pâques. Mais il est aussi ce qui se carapate et échappe à notre tentation de contrôle : une fuite hors de l’espace et du temps vers un ailleurs inconnu.

Alors, suivons la bête, des terriers souterrains à la surface de la terre, lorsqu’il se dessine à l’écran ou doit être deviné…

Bambi de David Hand

Pan-Pan, le cogneur

 

« On se marre, hein, Bambi ? ». Ça, c’est Pan-Pan, le lapinot hilare, à côté de son pote Bambi qui s’étale comme une crêpe sur la patinoire.  Bambi, sixième long-métrage d’animation de Walt Disney, créé en pleine période grise de Seconde Guerre mondiale (1942), considéré comme un chef-d’œuvre par la moitié de la planète, chéri autant par Michael Jackson que Bastien Vivès, qui s’en confiait encore récemment à Bande à part, doit beaucoup à la spontanéité de Pan-Pan. Ajoutons que l’équipe Disney avait mis le paquet : pas moins de cinq animateurs furent dévolus à faire bouger la petite boule de poil (dessinée par Frank Thomas, assisté d’Eric Larson, Marc Davis, Ollie Johnston et Milt Kahl) contre quatre – seulement – pour Bambi. Du coup, le lapin star s’est fendu d’une carrière télévisuelle effrénée aux USA via des miniséries, des cameos, alimentant sérieusement le tiroir-caisse de Disneyworld comme doudou international. Enfin, dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ?Roger Rabbit himself déclare sans ambiguïté que Pan-Pan était son oncle ; quant à John Lasseter, cofondateur des studios Pixar, il reconnaît en lui l’une de ses muses… S’apprêtant à fêter ses 80 ans en 2019, Thumper (le nom original de Pan-Pan, littéralement « le cogneur ») poursuit indéniablement sa route en frappant les esprits.

 

Olivier Bombarda

 

Meet the Feebles de Peter Jackson (1989)

Chaud lapin

 

Avant de s’imposer en valeur sûre du box-office grâce à ses consensuelles trilogies tolkieniennes (Le Seigneur des anneaux, Le Hobbit), Peter Jackson s’est fait la main dans l’underground avec trois-francs-six-sous, un amour immodéré pour les effets spéciaux (déjà) et surtout une dose effarante de mauvais goût. Son premier long-métrage, précisément intitulé Bad Taste (« mauvais goût », pour les non anglophones), annonce la couleur. Mais en pervertissant le Muppet Show dès le suivant, Meet the Feebles, il passe un cap inégalé depuis dans sa carrière : aucun effet, si gore soit-il, ne peut surpasser l’immondice de ces bêtes de scène vues depuis les coulisses. Et parmi les ignobles marionnettes animalières, un lapin.

Harry le lapin n’est pas la star du show – la tête d’affiche est Heidi l’hippopo’diva- mais en maître de cérémonie sortant d’une carotte géante, il vient en seconde position. Si dans le film son rôle est plus périphérique, il reste néanmoins mémorable via son association systématique à une mouche à merde journaliste qui le persécute en quête d’un scoop. “Mmmm, des carottes, ça doit être un de tes étrons, Harry“, se régale cette dernière depuis le fond de la cuvette des WC, avant de s’inquiéter de la santé, très manifestement déclinante, de ce satané fornicateur d’Harry – les lapins ont cette réputation…

Et la farce de virer au jeu de massacre collectif dans un crescendo crado-dingo. Seulement ici, l’outrance n’exclut pas un réjouissant sens des détails qui élève l’improbable objet au-dessus de la vacuité crasse.

 

Jenny Ulrich